La Lainière de Roubaix
Plongée au cœur d'un passé encore présent
Ils étaient environ 80, réunis hier à 10 h devant la Boîte à Musiques, à la limite de Wattrelos et de Roubaix. Pour les accueillir, Rita Catena, de l'office de tourisme wattrelosien, qui a mené cette visite en compagnie d'une mémoire vivante de la lainière : Georges Dubois. L'histoire personnelle de cet habitant du quartier et ancien employé de la Lainière, est intimement liée à celle du site.
Hier matin, on s'est d'abord arrêté face à la friche Amédée-Prouvost. C'est de là que tout est parti, avec la création du peignage Amédée en 1851. Rue du Fort, d'abord, puis rue de Cartigny en 1893, et enfin vers Wattrelos en 1925. Aujourd'hui, la partie wattrelosienne a été rasée, mais les bureaux, côté Roubaix sont toujours debout. « C'est ici que l'on travaillait la laine après la tonte », nous rappelle-t-on. Cette laine, venue de Nouvelle-Zélande, d'Australie ou encore d'Amérique du Sud, était donc triée, puis lavée et peignée avant de partir en filature.
À deux pas de là, justement, sera érigée la filature de la Lainière. C'est Jean Prouvost, le petit-fils d'Amédée, qui lance l'entreprise en 1911, avec 300 ouvriers. Passée la « parenthèse » de la Première Guerre mondiale, et l'entreprise va se développer rapidement, jusqu'à atteindre une renommée mondiale. En 1927, c'est ici qu'est née la fameuse marque Pingouin. Rita Catena nous confie l'anecdote : ce nom a été choisi par « un collaborateur de Jean Prouvost, dont le fils lisait une bande dessinée très en voguer à l'époque, Zig et Puce, dans laquelle figurait le personnage d'Alfred, un pingouin ».
En 1950, ce sera le lancement des chaussettes Stemm, dont Eddy Mitchell et ses Chaussettes noires vanteront un temps les mérites. « 750 000 paires sortaient de l'usine à l'époque, raconte Georges Dubois. Et l'on pouvait faire 40 fois le tour de la Terre avec la longueur de fil produit chaque jour à la Lainière. » À force de se développer, l'endroit est devenu « une ville dans la ville ». « Tout était surdimensionné. Rien que la filature 51, c'était une salle de 16 000 m² où travaillaient 1 100 personnes ! » La Lainière construisait des usines au Brésil, en Espagne, en Tunisie...
À Wattrelos, le paternalisme des patrons trouvait aussi tout son sens, avec la création des cités-jardins, et leurs maisons aux toits en triangle, particulièrement confortables pour les ouvriers de l'époque. Un âge d'or qui a pris fin avec les années 1990. Georges Dubois a eu du mal à encaisser « l'arrêt des machines », en 2000. Il est resté encore quelques années, pour participer au déménagement jusqu'à la fermeture de 2004. - PAR WILFRIED HECQUET - roubaix@lavoixdunord.fr