La ceinture fléchée (Canada)
La ceinture fléchée: le temps figé dans la laine.
Il était une fois, dans Lanaudière, après la Conquête, des Canadiens
français, qui, pour rendre les Anglais jaloux, avaient décidé de se
«gosser» des ceintures colorées pour fermer leur manteau. Et quand les
Patriotes l’ont brandie en signe de liberté, ils ont scellé sa destinée.
Voici la petite histoire de la ceinture fléchée, symbole du patrimoine québécois, et de son art perpétué par des passionnés.
Au Québec, une poignée d’hommes et de femmes maîtrisent la technique du
fléché, qui consiste, selon les écoles, soit en un tressage, soit en un
tissage de plusieurs brins de laine de couleurs différentes. Françoise
Dufresne Bourret et Marie-Berthe Lanoix sont de celles qui, par leurs
doigts agiles, transmettent ce savoir ancestral. .../...
De Deux-Montagnes à L’Assomption À 76 ans, elle «flèche» encore. .../... La
plus demandée, c’est avec le motif de Deux-Montagnes, avec du bleu, du
vert pois, du vert olive et du rouge. Le fil blanc c’est pour faire les
perles en verre. Moi, j’en mets pas, parce que ça coupe la laine.»
Marie-Berthe Lanoix, elle, enseigne .../... la traditionnelle technique dite «de l’Assomption», issue de la région de Lanaudière. .../... «La ceinture de l’Assomption, c’est la plus belle. C’est celle portée, je ne sais pas trop pourquoi, par le Bonhomme Carnaval. .../...
L’hiver, plusieurs la portent comme foulard, et on se fait interpeller
quand on la porte» .../...
La ceinture de l’Assomption est tressée plutôt que tissée et est
composée de bleu, de marine, de rouge, de vert, de jaune et de blanc.
«Mais à l’époque, on parlait de petit bleu pour le bleu, de gros bleu
pour le marine et d’écru pour le blanc. Pour les motifs, on va parler
de flèche et de flèche nette, tandis que Mme Bourret, dans son livre,
les appelle l’éclair et la flamme», affirme Mme Lanoix, qui en plus de
transmettre la technique, transmet en plus les canadianismes de
l’époque.
Mme Lanoix se désole du manque de visibilité de l’art du fléché,
«pratiqué sans brisure depuis la Conquête». «C’est difficile de
propager ça, constate-t-elle. On n’en parle jamais, peut-être une fois
par année durant le Carnaval. Pourtant, c’est tellement un bel
étendard.»
Des Québécois «métissés serrés» .../... L’ex-premier ministre
du Québec Bernard Landry possède trois ceintures fléchées, dont l’une
léguée par son grand-père maternel, Eugène, une autre confectionnée par
l’artisane Marie-Berthe Lanoix, et une d’origine industrielle.
«C’est le symbole de la nation québécoise, bien inscrit dans le temps,
qui a traversé les époques, explique-t-il. Immortalisée par le peintre
Henri Julien [Le patriote], la ceinture fléchée est le symbole de la
lutte des Québécois pour l’indépendance et la démocratie, comme le
bonnet phrygien l’est pour les Français.»
Pour lui, la ceinture fléchée, avec ses motifs qui pointent vers le
centre, représente «le métissage de la nation québécoise avec les
Amérindiens, les Français, les Britanniques, les Irlandais, etc., et
les immigrants des autres nations récemment arrivés ici».
«Elle ne sera jamais dépassée, affirme M. Landry. Elle fait partie de notre histoire!»
Article complet là : MARIE-LUCE PELLETIER-LEGROS, MÉTRO 28/11/2008